Edition collector limitée

Réalisé par Akira Kurosawa (1957) - Avec Yoshitaka Zushi, Kin Sugai

Dans ce camp extrait de la civilisation, un groupe de miséreux s’organise et survit dans un dénuement plus ou moins grand. Tout leur manque et pourtant leur existence est bien remplie. Un jeune homme se donne pour mission de conduire chaque jour son tramway imaginaire, un père et son fils vivotent dans leur carcasse de voiture en projetant la maison idéale dans laquelle ils pourraient vivre heureux, une fille se fait exploiter par un oncle pervers, d’autres boivent pour oublier… Tous se nourrissent poétiquement du rien qui les entoure.

Une magnifique expérience sensorielle

« Dodes’kaden, dodes’kaden… Voilà le train ! » Cette image d’un convoi chimérique conduit par un adolescent du bidonville sonne le départ d’Akira Kurosawa vers le film en couleurs. C’est un événement majeur, à la fois pour un réalisateur qui aura longtemps patienté avant d’abandonner le Noir & Blanc, et pour le spectateur qui se voit transporté dans une fresque qui reflète psychédéliquement la détresse du monde. Des bleus étincelants, des jaunes éclatants, des rouges flamboyants s’installent d’abord à travers les vitraux religieusement composés de dessins enfantins de tramways… Au gré de notre promenade à travers les baraquements des pauvres gens, Kurosawa nous offre une magnifique expérience sensorielle, et parvient de nouveau à extraire d’une indigence taboue une beauté spectaculaire.

Choral et métaphysique, le dernier volet de la tétralogie de la misère est une poésie noire que le réalisateur nous conte en couleurs. Désillusionné, il est d’une violence extrême face à la mort, qui, poignante, surprend le spectateur et stoppe net son périple, tandis que les protagonistes nous laissent sur le bord du quai. Pour eux la vie suit son cours, et le rêve doit continuer, il faut bien laisser passer les tramways…